Impact du marketing : comment la publicité façonne la perception des médicaments génériques

Impact du marketing : comment la publicité façonne la perception des médicaments génériques

Quand vous voyez une publicité à la télévision montrant une personne riant en marchant sur une plage au coucher du soleil, tout en prenant un comprimé bleu, vous ne pensez pas à un médicament générique. Vous pensez à une marque. Et c’est exactement ce que les laboratoires veulent. En France, ce genre de publicité n’existe pas. Mais aux États-Unis, elle est partout. Et elle change profondément la façon dont les patients, et même les médecins, voient les génériques.

La publicité crée une préférence pour les marques, même quand ce n’est pas nécessaire

En 2020, les laboratoires pharmaceutiques aux États-Unis ont dépensé plus de 6,5 milliards de dollars en publicité directe aux consommateurs. C’est plus de dix fois plus qu’en 1996. Ces publicités ne parlent pas de maladies. Elles vendent des marques. Et elles le font avec des images de bonheur, de liberté, de jeunesse. Elles montrent des gens actifs, heureux, en bonne santé - grâce à un médicament spécifique. Rarement, très rarement, elles mentionnent qu’une version générique existe, moins chère, aussi efficace.

Les études montrent que quand un patient voit une publicité pour un médicament comme Lipitor, il demande à son médecin de lui prescrire ce médicament. Ce n’est pas toujours le médicament le plus adapté. Ce n’est pas toujours le plus abordable. Mais c’est celui dont il se souvient. Et les médecins, souvent sous pression, prescrivent. Selon une étude de l’Université du Montana, 69 % des demandes de patients motivées par la publicité ont été remplies, même quand le médecin pensait que le traitement n’était pas approprié.

Les génériques profitent… mais pas comme vous le pensez

Il y a un effet indirect, appelé « effet de spillover ». Quand une publicité pour un médicament de marque comme Lipitor est diffusée, les patients demandent un traitement pour les cholestérols. Le médecin, pour répondre à la demande, peut prescrire un générique de la même classe - un médicament équivalent, mais moins cher. Donc, oui, la publicité augmente la consommation de génériques… mais pas parce que les gens veulent les génériques. Ils veulent le médicament de la pub. Et le générique devient une solution de repli.

En clair : la publicité ne pousse pas les gens à choisir les génériques. Elle les pousse à choisir un traitement - et le générique en profite par accident. Ce n’est pas une victoire pour les génériques. C’est une victoire pour la publicité.

Les patients ne retiennent pas les risques - seulement les bénéfices

Les publicités pharmaceutiques sont conçues pour être mémorables. Elles utilisent des musiques douces, des paysages sereins, des familles heureuses. Les risques, eux, sont énoncés en petit texte, rapidement, avec une voix neutre. Une étude de la FDA en 2018 a montré que même après quatre vues d’une même publicité, la mémoire des effets secondaires restait faible. La mémoire des bénéfices, elle, était un peu meilleure - mais pas suffisamment pour que les patients comprennent vraiment ce qu’ils prennent.

Les génériques, eux, ne sont pas dans ces publicités. Ils n’ont pas de plage, pas de soleil couchant, pas de musique émotionnelle. Ils n’ont rien. Alors, quand un patient se souvient d’un traitement, il se souvient de la marque. Pas du principe actif. Pas de la version générique. Il se souvient de la marque. Et il pense que c’est mieux.

Dans un cabinet médical, un patient demande un médicament vu à la télé, tandis que le médecin hésite entre une marque coûteuse et un générique.

Les génériques sont aussi efficaces - mais la publicité fait croire le contraire

Un générique contient le même principe actif, à la même dose, dans la même forme que le médicament de marque. Il est testé pour être bioéquivalent. Il est souvent 80 % moins cher. Pourtant, la perception reste qu’il est « moins bon ». Pourquoi ? Parce que la publicité le dit indirectement.

Quand vous voyez une pub pour un médicament de marque, vous associez la qualité à la marque. Vous ne voyez jamais une pub pour un générique qui dit : « Ce médicament est aussi efficace, mais 80 % moins cher ». Pourquoi ? Parce que les laboratoires ne gagnent pas d’argent sur les génériques. Ils n’ont aucun intérêt à les promouvoir. Leur business model repose sur la vente de marques chères. Et la publicité est leur outil principal pour maintenir ce modèle.

La publicité augmente la consommation - mais pas la santé

Une étude de la Wharton School a montré qu’une augmentation de 10 % de la publicité entraîne une augmentation de 5 % des prescriptions. Mais seulement 1 à 2 % de cette augmentation vient d’une meilleure observance chez les patients déjà traités. Le reste ? Des patients qui n’avaient pas besoin de traitement, ou qui n’adhèrent pas bien à leur thérapie.

En d’autres termes : la publicité crée plus de consommation, pas plus de santé. Elle attire des gens qui ne sont pas malades, ou qui ne veulent pas vraiment prendre leur médicament. Et elle les pousse à choisir des traitements coûteux, alors qu’un générique aurait fait l’affaire.

Le résultat ? Des coûts de santé qui montent, sans bénéfice réel pour les patients. Et une perception durable : les génériques, c’est pour les autres. Pas pour moi.

Une publicité géante en forme de coucher de soleil promeut un médicament de marque, tandis qu'un générique discret est ignoré dans une pharmacie.

Le système est conçu pour favoriser les marques - pas les patients

Les règles de la FDA permettent ces publicités, à condition qu’elles mentionnent les risques. Mais elles ne disent rien sur l’équité. Elles ne demandent pas aux laboratoires de présenter les génériques comme une alternative valide. Elles ne forcent pas à montrer le coût. Elles ne protègent pas les patients contre la manipulation émotionnelle.

Et ça marche. Pour chaque dollar dépensé en publicité, les laboratoires génèrent plus de 4 dollars de ventes. C’est un modèle économique ultra-lucratif. Et il repose sur une seule chose : la croyance que ce qui est cher est mieux.

En France, on n’a pas ce problème. Les génériques sont promus par les médecins, les pharmacies, les assurances. Ils sont perçus comme une solution rationnelle, pas comme un compromis. Mais si un jour les États-Unis exportent leur modèle publicitaire - ou si les algorithmes des réseaux sociaux commencent à diffuser ces pubs en Europe - la perception pourrait changer. Et les génériques, encore une fois, seraient les perdants.

Comment ne pas se laisser influencer

Si vous êtes aux États-Unis, ou si vous voyez ces publicités en ligne : posez-vous ces questions avant d’accepter une prescription :

  • Est-ce que ce médicament est vraiment nécessaire ?
  • Existe-t-il un générique équivalent ?
  • Quel est le coût réel ?
  • Quels sont les effets secondaires réels, pas ceux montrés en 3 secondes ?
  • Mon médecin a-t-il vraiment recommandé ce médicament, ou est-ce que je l’ai demandé parce que je l’ai vu à la télé ?

Les génériques ne sont pas une deuxième option. Ils sont la première option - quand ils existent. La publicité ne change pas la science. Elle change seulement la perception. Et la perception, dans la santé, peut coûter cher.

Le vrai coût de la publicité

Le vrai coût n’est pas dans les dollars dépensés en spots télé. Il est dans les décisions de santé qui sont prises à cause d’une image, d’une musique, d’un sourire. Il est dans les gens qui paient plus pour un médicament qui n’est pas meilleur. Il est dans les systèmes de santé qui doivent financer des traitements inutiles, juste parce qu’une pub a fait croire qu’ils étaient nécessaires.

Les génériques sont une révolution de la santé publique. Ils permettent d’économiser des milliards chaque année. Mais ils ne peuvent pas se vendre eux-mêmes. Ils n’ont pas de publicité. Ils n’ont pas de campagne. Ils n’ont pas de plage ni de soleil couchant.

Et tant que la publicité continuera à vendre des marques, et non des solutions, les génériques resteront invisibles - même quand ils sont la meilleure option.