IBD et grossesse : quelles médicaments sont sûrs pour le bébé ?

IBD et grossesse : quelles médicaments sont sûrs pour le bébé ?

Quand vous avez une maladie inflammatoire de l'intestin (IBD) comme la maladie de Crohn ou la rectocolite ulcéreuse, et que vous envisagez une grossesse, la première question qui vous traverse l'esprit n'est pas « Comment vais-je gérer les nausées ? » mais « Est-ce que mon traitement va nuire à mon bébé ? » C'est une peur légitime. Beaucoup de femmes arrêtent leurs médicaments en pensant faire preuve de prudence. Et pourtant, c'est souvent la pire chose qu'elles puissent faire.

Le vrai danger, ce n'est pas le médicament, c'est la maladie

Les données sont claires : une IBD active pendant la grossesse augmente les risques de complications bien plus que n'importe quel traitement approuvé. Si vous êtes en poussée au moment de la conception, vous avez 2,3 fois plus de chances d'accoucher prématurément, 1,8 fois plus de risques d'avoir un bébé de faible poids, et 1,6 fois plus de risques de fausse couche ou de mortinatalité. Ces chiffres viennent d'études suivies sur des milliers de femmes, publiées par l'Organisation européenne de la maladie de Crohn et de la colite (ECCO) en 2024. En revanche, les médicaments utilisés pour contrôler la maladie - quand ils sont bien choisis - ne présentent pas ce même niveau de risque.

La règle d'or ? La rémission est votre meilleure alliée. Si vous êtes en rémission depuis au moins trois mois avant de tomber enceinte, vos chances d'avoir une grossesse sans complication sont presque les mêmes que celles d'une femme sans IBD. C'est pourquoi les experts recommandent de planifier la grossesse avec votre gastro-entérologue, et non de l'attendre « au hasard ».

Les médicaments sûrs : ce que vous pouvez continuer

La plupart des traitements pour l'IBD peuvent être poursuivis pendant la grossesse sans danger. Voici ce qui est considéré comme sûr selon les dernières lignes directrices mondiales (consensus PIANO, août 2023) :

  • Les aminosalicylates (5-ASA) : mesalamine, sulfasalazine. Ces médicaments sont les plus anciens et les mieux étudiés. Ils traversent très peu la barrière placentaire. La mesalamine est sans risque, à une condition : évitez les formes avec dibutyl phthalate (comme Asacol®). Privilégiez Lialda® ou d'autres formulations sans ce composant. La sulfasalazine est aussi sûre, mais elle diminue l'absorption de l'acide folique. Il faut donc prendre un supplément de 1 à 5 mg par jour.
  • Les anti-TNF : infliximab, adalimumab. Ce sont les biologiques les plus étudiés. Plus de 2 000 grossesses suivies dans le registre PIANO n'ont montré aucun lien avec malformations congénitales, fausses couches ou naissances prématurées. Leur taux de malformations (2,6 %) est identique à celui de la population générale (2,8 %). Ils sont recommandés jusqu'au terme, sauf si vous avez des raisons spécifiques de les arrêter au troisième trimestre pour réduire la quantité de médicament transmise au bébé.
  • Vedolizumab : ce médicament agit localement dans l'intestin et ne circule presque pas dans le sang. Sur 103 grossesses suivies, aucun cas de cancer ou d'infection grave chez les bébés n'a été observé. La naissance prématurée était un peu plus fréquente au départ, mais ce risque a disparu quand les femmes étaient en rémission. Cela prouve que c'est la maladie, pas le médicament, qui pose problème.
  • Ustekinumab : 681 grossesses recensées dans les bases de données mondiales n'ont montré aucun signal d'alerte. Une étude européenne de 78 bébés exposés à l'ustekinumab n'a pas trouvé plus de prématurité, de faible poids ou de malformations que chez les bébés non exposés. Il est désormais classé comme « probablement sûr ».

Les médicaments à éviter ou à arrêter

Il existe des traitements qui doivent être stoppés bien avant la conception. Ce ne sont pas des recommandations arbitraires - ce sont des avertissements basés sur des preuves solides.

  • Méthotrexate : c'est un teratogène connu. Il peut provoquer jusqu'à 27 % de malformations majeures (cœur, cerveau, membres). Il doit être arrêté au moins trois mois avant la conception.
  • Thalidomide : interdit absolument. Même une seule prise peut causer des malformations sévères des membres.
  • JAK inhibiteurs (tofacitinib, upadacitinib) : les données sont encore limitées. Même si une petite étude de 11 grossesses n'a pas montré de risque accru, les experts recommandent de les arrêter au moins une semaine avant la conception (tofacitinib) ou 4 à 6 semaines avant (upadacitinib). Leur mécanisme d'action sur les voies de signalisation embryonnaire reste théoriquement préoccupant.
Scène comparant l'arrêt des médicaments (à gauche) et leur continuation sécurisée (à droite) pendant la grossesse.

Et les corticoïdes ?

Les corticoïdes (prednisone, budesonide) sont souvent utilisés pour calmer une poussée. Mais ils ne sont pas idéaux pendant la grossesse. Une exposition au premier trimestre peut légèrement augmenter le risque de fente labiale (de 1,4 à 2,3 fois). Ce n'est pas un risque massif, mais il existe. La règle : les utiliser seulement si nécessaire, à la dose la plus faible possible, et le plus court temps possible. Ne les prenez pas en prévention.

Et après l'accouchement ? Allaitement et vaccins

Vous pouvez allaiter en toute sécurité avec la plupart des traitements pour l'IBD. Les anti-TNF, la mesalamine, la vedolizumab et l'ustekinumab ne passent presque pas dans le lait maternel. Même la sulfasalazine est considérée comme sûre, même si une petite quantité peut être excrétée - aucun cas de toxicité n'a été rapporté chez les bébés allaités.

Les bébés exposés à ces traitements pendant la grossesse peuvent recevoir tous les vaccins normaux, y compris les vaccins vivants comme la rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR). Les lignes directrices de l'ECCO en 2024 confirment qu'il n'y a aucun risque d'infection due à la transmission du médicament. Pas besoin de retarder les vaccinations.

Mère allaitant son bébé, entourée de symboles de vaccins sûrs et de traitements biologiques protecteurs.

Les erreurs à ne pas commettre

Beaucoup de femmes arrêtent leurs médicaments dès qu'elles apprennent qu'elles sont enceintes - par peur, par désinformation, ou parce que leur médecin n'a pas bien expliqué. Résultat ? 68 % des femmes avec IBD rapportent une anxiété élevée à ce sujet, selon une enquête de 2022. Et pourtant, la plupart des traitements sont sûrs.

Voici ce qu'il ne faut surtout pas faire :

  • Arrêter vos médicaments sans consulter votre gastro-entérologue.
  • Changer de formulation de mesalamine sans vérifier qu'elle est sans dibutyl phthalate.
  • Prendre du méthotrexate ou de la thalidomide, même en petite dose.
  • Ignorer les contrôles de suivi pendant la grossesse : bilans sanguins, échographies, consultations avec votre équipe médicale.
  • Craindre les vaccins pour votre bébé après la naissance.

Comment préparer une grossesse en toute sécurité ?

La clé, c'est la planification. Voici les étapes concrètes :

  1. Consultez votre gastro-entérologue au moins 3 à 6 mois avant de vouloir tomber enceinte.
  2. Assurez-vous que vous êtes en rémission, idéalement avec une coloscopie de confirmation.
  3. Évaluez votre traitement : changez si nécessaire de formulation (ex : Lialda au lieu d'Asacol).
  4. Prenez de l'acide folique (1 à 5 mg/jour), même si vous ne prenez pas de sulfasalazine.
  5. Discutez avec votre gynécologue : il doit être informé de votre traitement.
  6. Ne changez rien sans avis médical, même si vous avez des doutes.

Les médecins sont de plus en plus formés. Selon une enquête de l'American College of Gastroenterology en 2023, 78 % des centres universitaires et 63 % des praticiens de ville ont déjà intégré les nouvelles recommandations mondiales. Vous n'êtes pas seule dans cette démarche.

Et l'avenir ?

Les recherches continuent. Le registre PIANO suit maintenant les enfants jusqu'à 10 ans pour vérifier leur développement neurologique et immunitaire. De nouvelles études comme VERSA et PLACENTA examinent précisément comment les médicaments traversent le placenta. Un outil de prise de décision partagée, qui aidera les patientes à comprendre les risques et bénéfices de chaque traitement, devrait être disponible en 2025.

Le message est simple : vous pouvez avoir un bébé en bonne santé avec une IBD. Mais cela demande de l'information, de la préparation, et de la confiance dans les données scientifiques - pas dans les rumeurs. Votre maladie ne définit pas votre capacité à être mère. Votre traitement, bien utilisé, vous protège, vous et votre enfant.

Puis-je continuer à prendre mes médicaments pendant toute la grossesse ?

Oui, pour la plupart des traitements : les aminosalicylates sans dibutyl phthalate, les anti-TNF, la vedolizumab et l'ustekinumab peuvent être poursuivis jusqu'à l'accouchement. L'arrêt n'est recommandé que pour certains médicaments comme le méthotrexate ou les JAK inhibiteurs, et uniquement avant la conception. Il n'y a aucune raison d'arrêter un traitement efficace pendant la grossesse sans avis médical.

La mesalamine est-elle vraiment sûre ? J'ai entendu dire le contraire.

La mesalamine est sûre, mais seulement si elle n'est pas formulée avec du dibutyl phthalate (DBP). Les versions comme Asacol® contiennent ce composant, qui a été lié à des malformations génitales chez les garçons dans des études animales et humaines. Privilégiez Lialda®, Mezavant® ou d'autres formulations sans DBP. Les études sur des milliers de femmes n'ont pas trouvé de risque accru de malformations avec ces formes-là.

Si j'arrête mes médicaments, est-ce que ma maladie va se calmer toute seule ?

Non. En fait, l'arrêt des traitements augmente fortement les risques de poussée. Une étude a montré que 70 % des femmes qui arrêtent leurs médicaments pendant la grossesse voient leur maladie réapparaître, souvent de manière plus sévère. Une poussée active pendant la grossesse est bien plus dangereuse pour le bébé que le traitement lui-même.

Puis-je allaiter si je prends des biologiques ?

Oui. Les biologiques comme l'infliximab, l'adalimumab, la vedolizumab et l'ustekinumab ne passent pratiquement pas dans le lait maternel. Aucun cas d'effet néfaste sur le bébé allaité n'a été rapporté. L'allaitement est non seulement possible, mais recommandé pour ses bienfaits immunitaires.

Mon bébé peut-il recevoir les vaccins normaux après la naissance ?

Oui, absolument. Les vaccins vivants comme le ROR sont tout à fait sûrs pour les bébés exposés aux traitements pour l'IBD pendant la grossesse. La présence du médicament dans le sang du bébé n'est pas suffisante pour causer un risque d'infection. Suivez le calendrier vaccinal standard, comme pour tout autre enfant.