Un diagnostic de cancer de la prostate, c’est déjà un choc. On pense d’abord à la maladie, aux traitements lourds, mais rarement à la santé des os. Pourtant, aujourd’hui, en France, près de 65 000 nouveaux cas de cancer de la prostate sont détectés chaque année, et la majorité des traitements hormonaux utilisés, comme l’enzalutamide, bousculent l’équilibre osseux. Des milliers d’hommes vivent cela en silence. Les os deviennent alors presque la « victime collatérale » du combat contre le cancer. Mais perdre en densité osseuse, ce n’est pas une fatalité. Il y a des moyens très concrets pour garder des os solides, même sous traitement agressif.
Comprendre le lien entre enzalutamide et ostéoporose
Quand on prend de l’enzalutamide pour traiter le cancer de la prostate, tout le corps sent la différence. Ce médicament agit en bloquant l’action de la testostérone, principale responsable de la progression des cellules cancéreuses dans la prostate. Mais la testostérone, ce n’est pas juste une hormone de virilité, c’est aussi une alliée des os. Elle stimule la production d’os neuf et ralentit sa dégradation. Sans elle, même partiellement, le squelette devient fragile.
En chiffres, près de 50 % des hommes sous traitement hormonal pour le cancer de la prostate souffrent d’une perte de densité osseuse significative au bout de deux ans, ce qui double le risque de fracture. Une fracture du col du fémur chez un homme de 70 ans, c’est souvent la porte ouverte à une longue convalescence, voire la perte d’autonomie. Et le cliché du monsieur en pleine forme tombant pour une raison banale et se cassant le poignet n’est pas une fiction. Ce sont des cas qu’on rencontre dans la vraie vie, parfois chez nos propres voisins.
L’ostéoporose ne prévient pas, c’est sournois. On ne sent rien avant la première fracture. L’enzalutamide n’est pas le seul hormonosuppressive en cause, mais il est reconnu pour avoir cet effet indésirable marqué sur l’os, d’où l’importance de la prévention. Plus tôt on agit, mieux c’est. Dès le début du traitement, le médecin doit évoquer ce risque. Pourtant, les sujets sont parfois passés à la trappe, noyés dans la masse des informations à digérer. Au quotidien, cet effet secondaire a des répercussions sur la qualité de vie, la mobilité, et même le moral des malades.
Mais il ne suffit pas de pointer du doigt l’enzalutamide. Plusieurs facteurs entrent en jeu : âge avancé, manque d’activité physique, antécédents familiaux d’ostéoporose, tabac, alcool, carences en calcium et vitamine D. Certains médicaments associés au traitement, comme les corticoïdes, aggravent aussi le risque. Prendre l’ostéoporose à bras le corps, c’est une stratégie globale. Seul, face à la montagne d’informations sur Internet, difficile de faire le tri. Pourtant, savoir que le risque est là, c’est déjà la moitié du chemin vers l’action.
Une étude publiée dans European Urology (2023) montre qu’en France, moins de 30 % des hommes sous traitement hormonal bénéficient d’une évaluation osseuse régulière (OST densitométrie). Pourtant, cette évaluation permet de repérer ceux à haut risque et de mettre rapidement en place des mesures préventives.
En résumé : l’enzalutamide réduit la testostérone, la testostérone protège les os, moins de testostérone = risques accrus d’ostéoporose. Réagir, c’est donc vital… et possible.
Comment surveiller sa santé osseuse pendant le traitement
Il ne suffit pas d’attendre la fracture pour agir, ce serait comme attendre de tomber dans un trou pour regarder où l’on met les pieds. Dès la prescription d’enzalutamide, demandez une base de référence avec un bilan osseux. En France, la densitométrie osseuse (DEXA) est l’examen de choix. Rapide, indolore, il donne une image claire de votre densité minérale osseuse. En général, votre spécialiste recommande de la refaire tous les 12 à 24 mois, surtout si le traitement est chronique.
Mais surveiller ses os, c’est aussi surveiller son alimentation, son niveau d’activité physique, et des symptômes parfois anodins qui prennent une nouvelle importance. Voici les signaux d’alerte :
- Perte de taille récente (1 ou 2 centimètres, ce n’est jamais anodin du tout).
- Douleurs dorsales inhabituelles, même si elles semblent liées à l’âge ou à la fatigue.
- Historique familial de fracture ostéoporotique (grand-père ou oncle ? à interroger !)
- Chutes fréquentes ou troubles de l’équilibre.
Il faut aussi surveiller les dosages sanguins de calcium, de vitamine D (dosage 25(OH)D), voire de phosphatases alcalines osseuses. Ce sont les petits marqueurs qui donnent une idée de la construction/destruction osseuse au jour le jour. Parfois, on découvre une carence vitamino-D sans le moindre symptôme… Chez moi, c’était flagrant : à force d’éviter le soleil, je me suis retrouvé une fois avec un taux en dessous de 15 ng/ml. Deux à trois semaines de supplémentation et, franchement, j’ai ressenti la différence dans mon énergie.
Plus de surveillance, ce n’est pas pour vous stresser, c’est pour éviter la mauvaise surprise de la fracture. Et pas besoin d’être obsédé : un agenda partagé avec votre médecin traitant et une bonne communication font l’affaire. N’hésitez pas non plus à demander un avis chez un rhumatologue pour les cas complexes.
Voilà un tableau qui résume les examens à faire selon votre situation :
Situation | Examen conseillé | Périodicité |
---|---|---|
Début du traitement d’enzalutamide | Densitométrie osseuse, dosage Vit D et calcium | Immédiat |
Après un an de traitement | Densitométrie osseuse | Tous les 1 à 2 ans |
Antécédents de fractures | DEXA, dosage Vit D, bilan sanguin osseux | Annuel |

Les clés pour préserver la densité osseuse pendant un traitement à l’enzalutamide
Bon, la question principale, c’est : comment on fait pour éviter que les os craquent ? Il faut mettre toutes les chances de son côté. Ça se joue dans l’assiette, sur le canapé (ou plutôt debout à côté !), mais aussi dans la façon dont on prend ses médicaments.
L’alimentation : le calcium, c’est la brique de base. Entre 1000 et 1200 mg par jour pour les hommes de plus de 65 ans. Un bol de fromage blanc, un yaourt, 30 g d’emmental (notre allié national !), quelques amandes, et le tour est déjà bien engagé. Mais ce n’est pas qu’une question de produits laitiers. Les légumes à feuilles vertes, les sardines avec leurs arêtes (oui, ça surprend mais c’est riche), ou encore les eaux minérales enrichies en calcium sont des alternatives solides.
Difficile de parler de calcium sans parler de vitamine D. En France, elle manque chez une personne sur deux dès l’automne. Pourtant, c’est le soleil qui active sa synthèse ! Quand on suit un traitement au long cours, la supplémentation recommandée est classique : 800 à 1000 UI/jour minimum, parfois bien plus si déficit sévère. Quelques gouttes tous les matins – ça n’a rien d’extra, mais ça change la donne.
Côté sport ? Pas question de se lancer dans du marathon, mais la marche rapide, un peu de montée d’escaliers, du jardinage, ou du vélo d’appartement suffisent pour stimuler la production osseuse. Ce n’est pas la quantité qui compte, c’est la régularité. Selon les spécialistes, 30 minutes d’exercice, 5 fois par semaine, réduisent de 20 % le risque de fracture chez les patients vrais à risque sous hormonothérapie.
Les chutes, c’est la grande menace. Préparer son intérieur, c’est comme installer un filet sous un trapèze : tapis bien fixés, lumière suffisante, chaussons stables, barres d’appui dans la salle de bain. Certains investissent même dans un petit bracelet d’alerte en cas de chute quand ils vivent seuls. Pas besoin d’avoir honte : la chute n’arrive pas qu’aux « vieux ».
Sur le plan médical, en cas de perte osseuse rapide ou grosse fragilité, votre médecin pourra prescrire un biphosphonate ou du dénosumab. Ces traitements freinent la réabsorption osseuse et limitent les fractures vertébrales. Sous enzalutamide, ils sont parfois nécessaires au long cours. Attention cependant, car ils demandent parfois une surveillance dentaire spécifique, pour limiter certains effets indésirables gênants.
Les habitudes à éviter ? Le tabac, c’est le pire ennemi des os : il nuit à l’absorption intestinale du calcium et diminue la production d’œstrogènes, déjà bas sous traitement. L’alcool en excès épuise la réserve de vitamine D. On peut se permettre un verre de bon vin le week-end, mais pas plus. À Lyon, le piège serait trop facile...
Autre astuce : demander à son pharmacien des compléments alimentaires, mais ne pas se lancer seul. Certaines associations font plus de mal que de bien. Par exemple, trop de vitamine A (rétinol) finit par fragiliser les os. Il vaut mieux se fier à une prescription médicale personnalisée.
Enfin, ne jamais négliger le moral. La déprime, l’isolement, le stress chronique se traduisent souvent par un moindre appétit, moins d’envie de bouger, et ça accélère la fonte osseuse. Rejoindre un groupe de soutien, participer à des ateliers de cuisine ou d’activité douce, ce sont de vraies pistes pour tenir sur la durée.
Vivre avec l’ostéoporose sous enzalutamide : conseils pratiques au quotidien
On n’empêche pas le cancer ni ses traitements de changer la vie, mais on peut leur compliquer la tâche. Prendre soin de ses os devient un réflexe, pas une obsession. Au quotidien, ça se joue sur des choses toutes simples. Commencez par changer une habitude : se mettre debout à chaque pub à la télé, pour marcher quelques pas ; monter systématiquement les escaliers au lieu de l’ascenseur ; profiter de la lumière du matin (même dans la grisaille lyonnaise) pour doper sa vitamine D naturellement.
Pour ceux qui ont une dent contre les légumes, essayez une nouvelle recette par semaine avec des légumes verts – les épinards sautés, ça change du gratin de pâtes ! Côté fromage, privilégiez la variété. Variez les plaisirs avec des fruits de mer, pour le bon apport en iode et en calcium.
Pensez aussi à noter vos chutes ou petites pertes d’équilibre. Un mini carnet ou une appli fait l’affaire. Si vous sentez que vous titubez davantage, parlez-en à votre médecin – ce n’est pas un détail. Il existe aussi des ateliers de prévention des chutes proposés par la sécurité sociale ou des associations. L’occasion de se bouger, de rencontrer du monde, et d’apprendre à réagir.
Si vous travaillez encore, aménagez votre espace pour éviter les risques : évitez les tapis épais, préférez les chaussures fermées même à la maison, rangez ce qui traîne. Les chutes chez soi, c’est 80 % des accidents domestiques des plus de 65 ans.
Certains patients ressentent parfois une gêne à l’idée de parler d’ostéoporose. Pourtant, c’est aussi important que le suivi du cancer. Plus vite vous en parlerez, plus vite vous serez accompagné. N’hésitez pas à inscrire les prochains rendez-vous de bilan osseux dans votre agenda, ni à demander à votre médecin des recommandations personnalisées. Les rhumatologues, les diététiciens et les kinésithérapeutes sont vos alliés. À Lyon, je conseille souvent d’aller voir le centre référent à l’hôpital Édouard-Herriot, reconnu pour sa prise en charge adaptée.
Enfin, faites-vous plaisir. Rien n’interdit une vie sociale, des sorties, des pique-niques, sous réserve de prudence bien sûr. Parfois, on se focalise tellement sur la maladie qu’on en oublie ce qui fait plaisir. Autorisez-vous une bonne marche avec Nova (pour ceux qui ont la chance d’avoir un chat aussi motivé que le mien !) ou une balade sur les quais. C’est bon pour le moral, et, mine de rien, pour la solidité des os.
Voilà, l’essentiel, c’est d’être acteur de sa santé, même sous enzalutamide. Préserver sa santé osseuse, ce n’est pas un luxe ni un caprice : c’est ce qui vous permettra de rester debout, actif et indépendant, malgré la maladie et les traitements. Les progrès sont à la portée de tous, armé d’information, de petits gestes simples et de beaucoup de bon sens lyonnais. Alors, prêt à prendre soin de vos os, un jour après l’autre ?